*Dès les premiers travaux de Jauss (1978) consacrés à l'esthétique de la réception, on postule que l'oeuvre littéraire n'existe qu'avec la complicité active de ses lecteurs. Et la réception de l'oeuvre (l'oeuvre littéraire, de même que l'oeuvre d'art en général) constitue une expérience esthétique au même titre que sa production. Le lecteur, lorsqu'il entre en contact avec le monde du texte, est en quête de sens. Ce processus d'interactions entre le texte et le lecteur, c'est ce que Louise Rosenblatt (1994) nomme la « transaction ». Rosenblatt distingue deux types de lecture: la lecture « efférente » (dite informative) et la lecture esthétique (l'émotion esthétique en tant qu'expérience personnelle). Rosenblatt affirme que sans lecture esthétique, il n'y a pas d'expérience littéraire. « Que nous décrit le lecteur lorsqu'il nous parle d'une oeuvre littéraire? N'est-il pas allé puiser dans ses ressources intérieures pour créer cette expérience que nous nommons poème, roman ou pièce de théâtre? »
*Les nombreux travaux en sociologie de la lecture ont d'ailleurs largement démontré que les mêmes romans sont lus de « plusieurs manières différentes ». « Cela atteste donc que les lecteurs eux-mêmes, d'une certaine manière, "écrivent" ou "ré-écrivent" à leur propre usage le "roman lu" de telle sorte que ce qu'ils tirent du roman, ce qu'ils en font ne dépend pas tant du texte que de leurs propres structures psychiques et idéologiques. » (Leenhardt et Jocza, 1984, p.35).
*Il y a 4 théoriciens de la réception : Jauss / Iseur / Eco / Picard.
Jauss : (Pour une esthétique de la réception) au départ de l'histoire littéraire, il y a deux instances : l'auteur et le texte, l'exclusivité est donnée à l'auteur et à l'analyse descriptive.
Jauss va s'intéresser au lecteur et s'interroger sur ce qu'est une œuvre : "un objet réactivé à chaque lecture". L'importance du lecteur est un objet difficile à cerner, le lecteur est une instance plurielle, il y a une diversité des publics et une historicité du lecteur dans le temps; les effets changent (ex: à propos de Mme Bovary au départ et aujourd'hui)
Le lecteur se réapproprie le texte, il y a une historicité de la représentation, un concept de l'horizon d'attente. Tout texte est reçu sur une culture, des valeurs, des attentes. Il faut avoir conscience du genre, du code, de l'esthétique pour appréhender le texte.
Les œuvres sont conformes et satisfont à des modèles. Elles correspondent à l'horizon d'attente ou le transgressent, elles sont alors innovantes.
L'écart est l'écart esthétique, le jugement porté à partir d'un fonds de valeurs.
Iseur : (L'acte de lecture en 76) Il veut saisir la nature propre de l'acte de lecture : auteur et lecteur prennent une part égale au jeu de l'imagination. Le lecteur est aussi l'auteur du texte, dans la lecture, il y a une part de création.
Dans tout texte, il existe un lecteur implicite. Le lecteur réagit au texte, l'œuvre organise la lecture. La lecture est un plaisir s'il y a créativité du lecteur.
Eco : (Lector in fabula en 79) Réflexion sur la coopération interprétative du texte narratif. Le texte est un tissu d'espaces blancs; il vit sous la plus value de sens que le lecteur va produire.
Le lecteur modèle parvient à compléter les vides du texte. L'auteur présuppose la compétence de son lecteur et en même temps, il « l'institue ». Avoir une activité interprétative, c'est inférer à partir d'un texte.
Picard : théoricien de la lecture littéraire. Il s'intéresse au lecteur réel, qui a un corps et qui lit avec; importance de la place de l'émotion dans la lecture; il y a des réactions sensibles au texte: « la lecture comme jeu ».
Le lecteur a trois identités:
Le liseur : il tient l'objet
Le lectant : il prend du recul, il interprète le texte
Le lu : l'inconscient du lecteur. Le lecteur réagit au texte par ce qu’il est. Le lu s’impose à lui.
Les trois instances interfèrent en participation ou distanciation.
La première caractéristique de l'action de lire, rappelons-le, se révèle dans une réceptivité, celle de la conscience à l'œuvre qui en fait l'objet. Car la lecture est une sortie hors de soi en vue d'entrer en relation avec le non-soi de l'autre, d'entrer en communion spirituelle avec cet autrui, susceptible d'opérer une transformation en soi comme en lui. La puissance de la lecture consiste donc en cette possibilité d'occasionner une transformation multilatérale: si la transformation de l'auteur d'un texte ne semble pas à prime abord constituer un paramètre de l'action pour un lecteur de le lire, elle est néanmoins aussi réelle que celle pour lui de réaliser une oeuvre. Car le va-et-vient entre le moi (le soi de l'être individuel, tel que perçu par la conscience) et le soi (le soi de l'être, tel qu'il est selon sa nature et ses virtualités) que suppose l'action d'écrire n'est pas sans éveiller des prises de conscience et des intuitions introspectives débouchant sur une nouvelle perspective personnelle, laquelle ne sera pas sans influer sur les interprétations rétrospectives et les projections prospectives, susceptibles d'être par la suite réalisées chez l'auteur.
Mais une oeuvre accomplie simplement parce qu'elle apporte une satisfaction immédiate à celui qui la réalise serait en vérité incomplète s'il n'y avait pas également pour lui la possibilité, également chargée d'une valence transformatrice, qu'elle reçoive l'approbation d'un lecteur ainsi que le risque de susciter en lui un déplaisir, avec l'espoir bien sûr d'éprouver cette autre satisfaction, immédiate celle-ci, d'apprendre que ce qui est issu en toute spontanéité et ingénuité du for intérieur de l'auteur peut avoir rencontré, chez le lecteur, une estimation réelle et même contribué proprement à sa croissance et à son épanouissement intérieurs. Et peut-être aussi pourrait-on ajouter à ces effets heureux le contentement éprouvé par tous les agents qui ont contribué à la réalisation physique du projet d’écriture et de lecture, pour chacun et tous les espaces, et à la possibilité pour le lecteur d'entrer en relation avec l'auteur et son oeuvre, lequel sentiment il serait injuste de réduire à une simple équation psycho-économique.